Ligne d'horizon
La Cabinerie présente un ensemble de photographies du toulousain Jacques Mataly intitulé « Ligne d’horizon ». Ce sont des photographies carrées rigoureusement partagées en leur exact milieu horizontal précisément par l’horizon vu du bord de mer. Des marines qui, loin du cliché de genre, convoquent une lecture plus large que le paysage pourtant déjà sans bornes d’où elles sortent. Car Jacques Mataly ne photographie pas un lieu particulier, des espaces pittoresques, il prend tout l’horizon, juste cela : cette profondeur et son imaginaire où, debout face au large notre vue commence et se termine.
Point de géographie identifiable donc, mais l’étendue de la mer et des nues devenues rectangles de lumière, de pures couleurs, de nuances profondes dans lesquelles, non plus seulement nos yeux mais notre esprit avec, peuvent plonger. Un carré d’une géométrie émouvante transformant cet impossible mariage de l’air et de l’eau en une surface devenue elle-même un nouvel horizon.
Jacques Mataly ne témoigne pas non plus d’une saison, d’une heure, il condense le temps comme lorsque la rêverie nous saisit et que plus rien d’autre ne se passe, quand les secondes désertent la pensée, quand les choses perdent leurs noms et qu’alors s’éclipse l’arbitraire d’un savoir au profit du seul voir.
Le bout du monde, qui est à jamais inabordable, semble ici appeler une ligne, une ligne à la fois physique et abstraite. Une ligne imaginaire car elle demeure invisible entre ces deux surfaces qui s’entrechoquent parfois et d’autre fois s’enchevêtrent. Une ligne que nous croyons voir ou deviner dans cette oscillation continue entre le premier et le dernier plan. Une ligne, qui comme l’horizon est toujours très difficile à définir car la perspective s’y déclare et s’y perd en même temps. C’est une figure très ambigüe de points de fuite, de la limite et de son dépassement.
Tout cela construit un lieu qui n’existe pas dans la réalité et qui devient l’horizon même de notre lecture muette où viennent se côtoyer le désir et l’effroi, la force et la vulnérabilité, nos élans et nos mélancolies.
Tout cela donc, des photographies, dans lesquelles Jacques Mataly nous rappelle avec force qu’une image n’est pas racontable et que la nommer ou la décrire ne dit rien de ce qu’elle nous fait voir, de ce qu’elle nous fait éprouver.
Alan Humerose
Jacques Mataly, né en 1955, vit à Toulouse. Il a suivi des études d’économie et de géographie. Parallèlement à la photographie, il a collaboré avec différentes chaînes de télévision.
Ce que dit l'auteur de son travail et sa biographie.